Réguler, oui, mais pas n’importe comment !

COMMUNIQUE DE PRESSE du 14 avril 2020

La filière lait face au Covid-19 : réguler la production oui, mais pas n’importe comment !

L’APLI demande la mise en place (en urgence) du Programme de Responsabilisation face au Marché (PRM).

Alors que la pandémie de Covid-19 impacte les chaines de production des pays du monde entier, l’expression « régulation », jusque-là savamment ignorée des industriels comme des élus, est semble-t-il devenu très à la mode en France comme en Europe.

Cela pourrait passer pour une victoire pour nous les producteurs, premiers maillons de cette chaine vitale, qui demandons depuis la crise du lait de 2009 à ce qu’un outil de régulation des volumes et de maintien du prix du lait soit mis en place au niveau européen, avec pour objectifs d’assurer un prix du lait qui rémunère l’agriculteur ET couvre ses coûts de production, et de protéger la filière face aux aléas du marché. Cet outil, le programme de responsabilisation face au marché (PRM) est prêt. Mais la régulation aujourd’hui appelée des vœux de nombre d’acteurs de la filière est en fait de toute autre nature.

Elle serait une réponse à la dérégulation actuelle du marché, qui place d’office les producteurs de lait, dont les vaches sont en plein pic de lactation, dans une situation de surproduction par rapport à la demande actuelle, et donc face au risque de voir les prix du lait baisser davantage. Rappelons qu’avant la crise, le prix payé aux éleveurs pour le lait produit ne couvrait toujours pas les couts de productions. Ce n’est donc pas une situation « difficile » que nous nous préparons à affronter, mais une catastrophe.

Il est demandé aux producteurs de « lisser leur production de lait » c’est-à-dire de jeter une partie de leurs volumes de production volontairement, qui leur serait alors payée 320 € les milles litres par le CNIEL. Rappelons que cet argent est le nôtre, celui des producteurs dont la cotisation obligatoire à cet organisme est censée nous protéger. 320 € ne payent en aucun cas nos dépenses de productions. Malgré ce prix encore trop bas, le CNIEL reconnait cependant enfin que, pour éviter que les prix baissent d’avantage il faut baisser la production. Dans le même intervalle, les coopératives proposent quelques euros de plus, incitant les producteurs, qui n’ont d’autres choix, à vendre leur production à un prix trop bas. Or, nous savons que tout ce lait ne partira pas en supermarchés sous formes de briques non, les industriels misent sur les produits aux dates limites de conservation longues : tout ce lait payé à bas prix, grâce à l’argent de Bruxelles qui plus est, leur permet de s’assurer des stocks (sous forme de poudre) à moindre coût. C’est pour cette raison que les industriels sont en recherche de stockages privés.

Pour les producteurs, c’est la double peine : ces stocks contribueront à casser demain le prix du lait pendant encore de longs mois, après avoir cédé une partie de leur meilleur production (les vaches étant à l’herbe) pour des prix dérisoires, voir après avoir dû jeter dans les champs une part du lait produit. Combien de temps cette situation durera-t-elle, alors que les experts et les chefs d’Etats annoncent déjà un combat contre le covid-19 qui durera au minimum encore 12 à 18 mois ?

C’est dans ce contexte que le 31 mars dernier, nous nous sommes adressés au Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation Didier Guillaume, lui demandant la mise en place urgente du programme de responsabilisation face au marché. Cet outil, plébiscité par plus de 100 000 producteurs européens, vise à assurer aux producteurs un prix du lait couvrant leurs couts de production lorsque le marché devient instable et traverse une crise telle que celle-ci. (Courrier joint).

Nous n’avons à ce jour reçu aucune réponse de la part du ministère, qui pourtant connait le PRM et nous faisait parvenir à tous un élogieux courrier le 18 mars, nous incitant à poursuivre nos activités essentielles à la nation.

Il va pourtant de soi que la proposition de réduction volontaire de nos volumes de production avec un prix en dessous de tout, incitera plutôt les producteurs qui ne s’en sortent plus et qui en avaient déjà l’intention, de mettre plus vite la clé sous la porte.

Le PRM (document joint) comporte plusieurs phases proposant des solutions pour mettre en place une réduction des volumes de production obligatoire et rémunératrice, lorsque c’est nécessaire comme c’est actuellement le cas, tout en protégeant les producteurs face au marché. Pour être efficace, il doit cependant être unanimement mis en œuvre au niveau national et européen et bien sur par tous les producteurs.

Gardons tous à l’esprit que produire toujours plus, quitte à jeter, ne mène qu’à faire chuter les prix tout en se tuant au travail pour satisfaire l’appétit d’un marché (qui n’existe même pas en ce moment). La régulation contrôlée et encadrée proposée par le PRM, représente au contraire un investissement sur l’avenir, consistant notamment à être correctement rémunéré pour un travail servant un marché qui existe réellement.

C’est d’une réponse ambitieuse et durable dont nous avons aujourd’hui besoin, c’est-à-dire capable de tenir sur la durée tout au long de cette crise et d’accompagner « l’après » et non pas de mesurettes prises à la va vite à l’avantage d’un système qui ne fonctionne pas pour les producteurs depuis déjà trop longtemps. Il est d’ailleurs de bon ton de se demander à qui profitent vraiment ces demandes de « régulation » anarchiques, alors que de bons outils existent pour les rendre efficaces et sont jusque-là ignorés. Pas aux producteurs en tout cas. Alors que les industriels des autres pays européens scrutent les réactions de la France à cette crise, nous devons nous producteurs remettre sur la table le bon sens paysan.

Contact :

Sylvain Louis, Président de l’APLI – 06 44 34 52 43

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